Les petites cases

Pour en finir avec Raoul Glaber

Pour justifier les « racines chrétiennes de l'Europe », notre schroumpfissime s'est pris, une nouvelle fois, pour Raoul Glaber en faisant référence, je cite, au « long manteau d'églises » que l'on peut admirer en France. Après Guy Moquet, Jean Jaurès et d'autres, notre schroumpfissime et son nègre attitré se sont encore pris les pieds dans le tapis. Cherchant à faire la preuve d'une culture, qu'ils ne possèdent visiblement pas, ils se sont non seulement trompés dans leur citation, mais aussi dans sa signification. Il n'est d'ailleurs pas le seul, puisque, le lendemain, pensant rétablir la citation originale, Jean-Luc Mélenchon, sénateur PS et Nicolas Demorant, animateur de la tranche matinale sur France inter, parlent de « long manteau de cathédrales ».

Petit et rapide cours d'histoire médiévale pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette allusion absconse.

Raoul Glaber ou Raoul le chauve, nom francisé du latin Radulphus Glaber, est un moine clunisien vivant dans la première moitié du XIe siècle. Il doit sa célébrité à une chronique, genre très courant à cette époque, qui retrace, en cinq livres, l'histoire de l'an 900 à l'an 1044. Cette œuvre intitulée simplement Histoires est restée célèbre, car elle a entretenu, jusqu'à récemment, les fantasmes liés aux « peurs de l'an Mil ». En effet, Raoul Glaber l'écrit à peu près au moment du millième anniversaire de la mort de Christ, ce qui, d'après l'apocalypse de saint Jean, devait correspondre à la fin des temps. Son œuvre possède donc une connotation eschatologique très marquée.

Dans cette perspective, il décrit ce qu'il interprète comme un retour à la foi et aux valeurs chrétiennes par rapport à la période précédente, forcément décadente de l'antiquité. Ce retour se manifeste selon lui par l'embellissement et la construction des églises dans « tout l'univers, surtout dans l'Italie et dans les Gaules ». Et, dans un excès de lyrisme, il écrit alors :

« Erat enim instar ac si mundus ipse, excutiendo semet, rejecta vetustate, passim candidam ecclesiarum vestem indueret »

Ce que Guizot en 1824 dans ses Collections des mémoires relatifs à l'histoire de France a traduit approximativement par :

« On eût dit que le monde entier, d'un même accord, avait secoué les haillons de son antiquité, pour revêtir la robe blanche des églises »

Cette phrase a fait couler beaucoup d'encres et a été l'objet de nombreuses interprétations. Si, à l'image de Raoul Glaber, notre schroumpfissime voit dans la présence d'églises la preuve d'un sentiment religieux et d'une foi partagée, cette phrase est bien plus le témoignage des changements économiques et sociaux en cours depuis plus d'un siècle. En effet, à cette époque où les rois de France voient leur territoire d'influence réduit grosso modo à l'Ile-de-France, les populations se rassemblent autour d'un lieu, église, château, cimetière, pour donner naissance à nos villages. Si ce mouvement possède des racines religieuses, il faut plutôt voir dans ce processus la recherche d'une protection à un moment où les seigneurs locaux, laïques et ecclésiastiques, cherchent à étendre leur pouvoir. L'église, c'est-à-dire le bâtiment en lui-même et l'espace qui l'entoure, constituait alors un lieu sacré, refuge pour la population.

Les chroniques médiévales, comme toute source historique, doivent faire l'objet d'une critique attentive pour en dégager toutes les interprétations. Cette précaution est bien souvent absente, lorsque l'histoire est instrumentalisée et mise au service d'une idéologie. Or, la compréhension de l'histoire est bien plus importante dans le processus de création d'une mémoire commune que l'exaltation de certains points précis. Voilà une leçon que notre schroumpfissime oublie régulièrement et qu'il ferait bien de retenir, s'il ne veut pas à nouveau se couvrir de ridicule.

Histoire Râleries — 

Commentaires

Je comprends pas..il est où le rapport avec RDF ? :-)
Espèce de mutationniste déguisé !

@Christian : Aucun ;-)

@Gonzague : j'aurais dû parier qu'un de vous allait me sortir la mutation de l'an mil ;-) Mais, j'ai fait attention de ne pas parler de mutation, mais d'évolutions qui commencent bien avant l'an mil, point que personne ne remet en cause. Quant aux problèmes de datation, cela dépend des espaces géographiques. En son temps, j'ai étudié un exemple d'encellulement qui date de la fin du XIe... :-)

Mais est-ce que l'on souhaite vraiment que le schtroumphissime cesse de se couvrir de ridicule si ça nous évite de le voir réélu...? PS: même si au fil des jours et des mois, c'est de plus en plus pénible et encore, s'il ne s'agissait que de balafres infligées à l'histoire...
En quoi le fait d'énoncer que la France se soit recouverte d'églises aux Xe et XIe siècles plus par intérêt des populations à se regrouper plutôt que par piété religieuse est-il censé remettre en cause les racines chrétiennes de l'Europe ? Au final, le résultat semble être le même.