Les petites cases

Les systèmes de visualisation des connaissances

Dans un billet récent, j'abordais les différents systèmes de modélisation et de structuration des connaissances. Mais, ces systèmes, aussi puissants soient-ils, ne se suffisent pas à eux-mêmes, ils constituent une base de travail à partir duquel l'information et la connaissance vont pouvoir être traitées en vue de leur exploitation et de leur visualisation. Il n'est, en effet, pas question de proposer à l'utilisateur cette information brute même structurée. Il est alors essentiel de réfléchir aux interfaces et aux moyens de la rendre disponible pour mieux mettre en avant l'organisation de l'information et permettre la création du sens. Il me semble bien-sûr évident que la mise en œuvre de tels outils sera facilitée par cette structuration. Mais, justement quels sont ces systèmes ?

Dans un billet sur Internet actu, Hubert Guillaud pose la question des outils pour traiter intelligemment les informations issues des applications Web 2.0. Partant de l'exemple des milliers de billets sur le Iphone d'Apple, il montre que les applications actuelles favorisent l'agrégation, mais en aucun cas la création réelle de connaissances et de savoirs collectifs. Il plaide alors pour les outils de représentation graphique qui permettent de faire ressortir les différents ensembles et ainsi d'agréger intelligemment les connaissances et non de faire ressortir les informations issues d'intermédiaires qui ont déjà une visibilité. Bref, le Web 2.0 crée une logorrhée verbale dont quelques points de ce réseau, souvent les mêmes, ressortent. Le billet d'Hubert est en quelque sorte une sonnette d'alarme, la force du Web 2.0 est d'avoir créé des applications qui permettent à tout un chacun de s'exprimer et donner un avis, il est urgent maintenant de passer à une nouvelle étape qui va dépasser la simple agrégation des informations pour créer un véritable écosystème de pensée, une intelligence collective où chaque information prise séparément pourront non seulement s'agréger, mais surtout faire sens ce qui permettrait de décentraliser les informations et faire apparaître différents points de contact. Hubert voit dans la représentation graphique un des moyens d'y parvenir.

« Un bon graphique vaut mieux que bien des discours ». La représentation graphique constitueraient donc un moyen, peut-être même une panacée face à l'explosion de l'information. Ce n'est pas une nouveauté, évidemment, mais sur le Web, qui reste somme toute un média de l'écrit, l'idée est intéressante et reste à creuser, même s'il existe quelques précurseurs comme le moteur de recherche cartographique Kartoo. Surtout, les modèles de représentation graphique existent. J'en veux pour preuve ce classement sous forme de tableau de Mendeleïev, trouvé via Akasig, de l'ensemble des méthodes de visualisation. Ils y sont tous référencés : de ce bon vieux camembert à la représentation sous forme d'Iceberg, en passant par le réseau sémantique, les diagrammes de Gantt ou encore les cartes conceptuels. Dans le même ordre d'idée, je vous conseille la visite du site complémentaire au Knowledge Representation book. Vous y trouverez là aussi matière à réflexion. Et pour ceux qui veulent aller encore plus loin sur la question de la visualisation de l'information, vous pourrez visiter la page personnelle de Jean-Daniel Fekete, chercheur à l'INRIA dont c'est précisément la spécialité. Vous y trouverez ces articles sur la question et des applications.

Mais, revenons à la question d'Hubert, qui m'amène à en poser deux autres :

  1. Quels sont les poins de contact que l'on peut utiliser pour agréger sémantiquement les informations et créer les représentations graphiques ?

  2. Quel est la pertinence d'une représentation graphique de l'information ? Est-ce réellement utile et surtout les utilisateurs les utilisent-elles ?

Je n'ai pas de réponse précise à la première question. Les tags pourraient en partie jouer ce rôle, nonobstant toutes les précautions à prendre en la matière, cela semble la stratégie de Technorati. L'analyse automatique de l'information pourrait être une solution, mais malgré quelques avancées en la matière, ces types d'application posent encore des problèmes et il faudrait disposer d'ontologies modélisant une bonne partie de la connaissance actuelle pour parvenir à un résultat réellement pertinent. Le recours à l'utilisateur reste aujourd'hui privilégié, comme dans les sites de type Wikio, mais cela ne règle pas les problèmes mis en avant par Hubert dans son billet.

La réponse à la deuxième question nous est proposée par Bernard Vatant, spécialiste mondialement reconnu des ontologies, des topics maps et du knowledge management, sur le blog de la société Mondeca. Il montre dans un billet intitulé Voir, savoir et/ou agir que la représentation graphique est soit trop complexe à mettre en place lorsque les données sont importantes, soit inutile lorsque les données ne sont pas assez importantes. Ils posent donc la question de la pertinence du modèle graphique. Manue avait réfléchi à cette question dans un billet, il y a quelques mois, sans parvenir exactement à la même conclusion. La représentation graphique ne serait qu'un effet « Wouahouh » et ne serait en fait que peu d'utilité en terme d'usages. Ces deux billets tendent à le prouver et Bernard Vatant va même plus loin en affirmant que l'utilisateur se moque de savoir ce qu'est et ce que représente l'information et que leur intérêt est plutôt d'agir sur l'information, comme le prouve le succès du Web 2.0. Partant des problèmes du Web 2.0, Hubert préconise la représentation graphique des informations dont certains spécialistes rejettent l'utilisation à cause de l'intérêt des utilisateurs qui va justement vers des applications du type Web 2.0. La boucle est bouclée et la question reste entière : comment va-t-on permettre l'exploitation de toutes ces informations ? On a bien un début de réponse quant à la modélisation et à la structuration de ces informations avec le modèle RDF à la base du Web sémantique, mais force est de constater que l'hypertexte a encore de beaux jours devant lui...

Management de l'information Web sémantique Web Causeries Outils — 

Commentaires

Je ne suis pas sûr que la visualisation graphique soit le seul et unique moyen Gautier. Je me dis que l'avantage des cartes, parfois, est aussi de savoir attirer notre attention, sur ce qui n'est pas au centre. Je cherche des outils qui permettent d'exploiter au mieux les résultats du web 2.0, plutôt que de concentrer notre attention sur un faisceau central, encore inexploitable. Je ne suis pas sûr que tu ai raison quand tu dis que les utilisateurs sans moquent. On voit bien qu'ils n'investissent pas non plus dans des services qu'ils ne comprennent plus. Qui arrive encore à exploiter Technorati ? Qui lit encore les commentaires quand il y en a 300 sous un billet ?... Maintenant, je pense qu'il y a des outils qui commencent à y réfléchir : les moteurs de recommandation sont en cela intéressant, parce qu'ils puisent dans des données plus larges qu'eux pour faire ressortir ce qui est censé le plus vous intéresser. C'est une bonne nouvelle, cela veut dire que quelques pistes existent... Cordialement.
Merci pour tes précisions. Nous sommes tout à fait d'accord, en fait. Si j'ai donné l'impression que tu le préconisais comme unique moyen, tel n'en était pas mon intention (ni la tienne, d'ailleurs, je confirme ;-) ).
En ce qui concerne les utilisateurs, je ne me prononce pas personnellement, je me contente de reprendre les paroles de Bernard Vatant. J'avoue que je n'ai pas suffisamment réfléchi à la question. Le fait de mettre les deux positions en perspective me paraissait intéressant. Il ne s'agissait pas d'opposer, mais bien d'alimenter la discussion.
J'ai le même retour d'expérience que Bernard dans le monde de l'entreprise. Les clients veulent des graphiques interactifs un peu à toute les sauces, mais dès qu'il y a pas mal d'info on n'y voit et comprend plus rien. Ce qui m'amène à penser que les représentations graphiques sont des instruments de communication (très utiles) mais pas toujours des moyens de travail efficaces. La porte n'est pas ferméé pour autant ; çà fait un bien fou de dire "whouahouh" de temps en temps.
Excellent billet (comme d'habitude) J'ai toujours vu dans la représentation graphique un moyen d'exploiter des données : faire émerger les concepts centraux et marginaux, des liens insoupçonnés... mais en aucun cas un accès à la connaissance primaire. La représentation graphique et plus globalement les indicateurs permettent l'exploitation (à des fins de communication par ex.) tandis que l'usager recherche l'information pertinente (être capable de l'identifier, la notion de sens apparait) et souhaitera y accéder rapidement (structuration de l'information). Les systèmes de connaissance doivent donc, à mon sens, permettre de retrouver et accéder à de l'information (structuration RDF par ex.) comme service principal et offrir des services de restitution (graphiques) en complément. Les objectifs sont différents.