Les petites cases

La place du portail dans « SHS 2.0 »

A l'occasion de la journée Ménestrel sur les « Portails médiévistiques », j'ai fait une communication avec Marc Smith, professeur de paléographie à l'École des chartes sur un projet de « portail sur les sources de l'Europe », prolongement européen du site THELEME, Techniques pour l'historien en ligne : études, manuels, exercices, le manuel en ligne de sciences auxiliaires de l'histoire que nous avons mis en place à l'École des chartes. Cela m'a donné l'occasion d'entamer une réflexion sur le portail au niveau de son organisation technique que je vous livre ici un peu retouché et qui je l'espère viendra compléter à un modeste niveau le billet de Pierre : SHS 2.0.. Je ne reviendrai pas sur le terme de « portail », ni même sur la notion qu'elle recouvre. Phillipe Rygiel, dont Manue a déjà parlé récemment, a fort justement rejeté ce terme en début de journée.

Au moins trois organisations techniques de portails peuvent être identifiées :

  1. Le modèle « centralisé » : Toutes les étapes de mise en ligne des documents se font au niveau du site-portail. Ainsi, les moyens de production et de diffusion sont rassemblés à un seul endroit ce qui permet d'assurer une cohérence technique, graphique et éditoriale.

  2. Le modèle « intermédiaire » : Les moyens de production des informations sont centralisés au niveau du portail, mais un système permet de reverser ensuite automatiquement les données aux différents partenaires qui les exploitent comme ils le souhaitent. Dans ce cas, les moyens de production sont centralisés, mais la diffusion peut se faire à travers le canal du portail, mais aussi des différents sites des partenaire pour les ressources dont ils ont besoin. A titre d'exemple, ce modèle est celui du SUDOC, Système Universitaire de Documentation, catalogue commun des bibliothèques universitaires en France. Chaque bibliothèque partenaire catalogue dans le système du SUDOC qui reverse ensuite automatiquement les notices dont la bibliothèque partenaire a besoin dans son catalogue. Dans ce cas, il existe une mutualisation des notices de catalogues, puisque les bibliothèques peuvent récupérer directement les notices existantes.

  3. Le modèle « en réseau » ou un réseau de sites1. Dans ce modèle, les moyens de production de l'information sont assumés par chaque partenaire qui diffuse sur son propre site ses ressources. Le portail constitue alors un point d'accès centralisé aux données produites par chaque partenaire et un système automatique de versement est prévu dans le portail. Ce modèle est basé sur le principe de la syndication de contenu. A titre d'exemple de ce modèle, on peut citer :

Outre le fait qu'il offre aux utilisateurs un point d'accès unique à l'information comme tous les modèles de portails, le modèle en réseau présente plusieurs avantages intéressants :

  1. Chaque partenaire est libre dans les moyens mis en oeuvre pour produire ses ressources. Il peut ainsi utiliser le langage informatique qu'il souhaite et les outils à sa disposition en fonction de la structure technique qu'il possède. De plus, cela lui permet de conserver sur son site sa charte graphique ;

  2. Ce modèle présente aussi l'avantage de ne pas diluer les différentes « unités organisationnelles » dans le portail. Comme le rappelle Pierre dans SHS 2.0, le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche est composé d'individus, de collectifs et des institutions de recherche et d'enseignements et la notion de portail a tendance à empêcher la valorisation du travail des différentes unités. Avec ce modèle, non seulement le travail du réseau sera visible à travers l'existence du portail, mais chaque unité pourra valoriser son travail. Ainsi, la logique institutionnelle, en particulier, souvent point de crispations des initiatives de réseau, est respectée.

  3. L'état d'avancement de chaque partenaire n'est pas un frein à la mise en place du portail, de même que la mise en place du portail n'est pas un préalable au travail de chaque partenaire. En séparant la production des informations de leur diffusion sur le portail, on assure à chaque partenaire une liberté d'action qu'il est impossible d'avoir dans d'autres cas.

  4. Avec ce modèle, il n'existe pas forcément un portail unique. Puisque l'échange des informations est basé sur des normes connus, ouvertes et libres, il est possible d'envisager à moindres frais la mise en place de portails thématiques. Si on reprend l'exemple d'OAI, le protocole intègre un système appelé Set qui permet de rassembler différentes ressources numériques et de rendre possible du moissonage sélectif.

Malgré tout, ce modèle impose deux préalables indispensables à sa mise en place. En effet, même si les outils et le déploiement des ressources sont à la discrétion de chaque partenaire, il est essentiel que chaque partenaire utilise des normes communes pour organiser, décrire et structurer l'information et en vue de l'échange et de l'interrogation des métadonnées une terminologie commune.

En revanche, on peut objecter un désavantage conséquent dans ce modèle, il s'agit de la multiplication des plate-formes techniques. En effet, pour chaque partenaire, il faut déployer les serveurs, les applications et les moyens humains et donc multiplier les investissements. De plus, il faut s'assurer d'une cohérence éditoriale entre les différents partenaires ce qui peut relever de la gageure.

Pour autant, je me demande si le jeu n'en vaut pas la chandelle et correspond à une demande des institutions. Elles mettent à disposition sur leurs propres sites les ressources qu'elles produisent et, grâce au portail, elle leur donne une visibilité et surtout les outils de traitement de l'information qui vont rapidement devenir indispensable ne pourront se mettre en place au niveau d'une seule institution de par le poids énorme en développement et en maintenance qu'elles vont demander. Seules des réseaux pourront relever cet enjeu essentiel dans la construction du Web de demain.

Quelques notes en passant

1 Le titre de la communication était « Portail « Sources de l’histoire d’Europe » – du site de réseau au réseau de sites » d'où la reprise de cette expression.

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