Dans le dernier numéro du BBF, Olivier Le Deuff fait le point sur la folksonomie. Il aborde dans cet article les conditions d'apparition, le principe de fonctionnement et les débats en cours autour de la folksonomie. Comme toute synthèse, et j'en connais la difficulté, étant passé par là, il manque des choses et on pourrait relever des approximations, mais, dans l'ensemble, cet article constitue une bonne première approche du phénomène.
Je profite de cet article pour rebondir sur les débats qui opposent les tenants de la folksonomie et ses adversaires. J'avais eu l'occasion dans un précédent billet d'analyser et de critiquer la position de Clay Shirky exposée dans son article « L'ontologie est surfaite ». Ce qui me surprend dans ce débat est l'opposition systématique entre la folksonomie et les vocabulaires contrôlés. Pourtant, après quelques mois d'utilisation de Flick'r, ce n'est pas exclusivement dans cette opposition que je vois des manques dans le principe des tags, mais aussi dans l'impossibilité de les organiser.
Il est clair que les vocabulaires contrôlés ne constituent pas une bonne solution pour les utilisateurs sur le Web, ils ne les connaissent pas, ils ne savent pas s'en servir et, surtout, ils ne sont pas libres de choisir ce qui représente le principal intérêt de la folksonomie. D'ailleurs, la comparaison de la folksonomie avec Dewey et CDU dans l'article d'Olivier Le Deuff est mal choisi et induit certainement en erreur entre les promoteurs et adversaires de la folksonomie. Je l'avais déjà signalé à propos de l'article de Clay Shirky qui faisait la même comparaison. Le but de ces deux vocabulaires sont très différents, puisqu'ils servent à classer physiquement un ouvrage selon un seul indice. Les folksonomies sont plutôt à rattacher aux thésaurus comme Rameau ou aux bases terminologiques dont le but est précisément d'étiqueter des ouvrages, des articles pour les retrouver dans un système informatique. On pourrait même assimiler la folksonomie d'un utilisateur à un thésaurus personnel. L'effet de masse entre les différents utilisateurs créent alors des ponts entre leurs thésaurus par les étiquettes identiques morphologiquement.
En effet, même si dans le principe on pourrait rapprocher la folksonomie d'un thésaurus, en pratique ce n'est pas le cas. Les tags d'un utilisateur se limite finalement à une liste de mots-clefs dont les éventuels liens entre eux ne sont connus que de l'utilisateur. Ainsi, si vous souhaitez pouvoir retrouver dans votre compte flick'r à la fois les photos qui concernent Paris et les photos qui concernent le 12ème arrondissement, vous devrez associer à la fois le tag « Paris » et le tag « 75012 » à chacune des photos concernées. Pourtant, s'il était possible d'organiser la liste de tags selon une taxonomie, il serait posssible de créer un lien hiérarchique entre Paris et 75012. Une photo qui posséderait le tag « 75012 » posséderait alors de façon induite le tag « Paris » et il serait inutile de le préciser.
Il est possible d'aller plus loin et de créer un véritable thésaurus en reliant les tags de façon transversale. Dans ce cas, un lien horizontal est créé entre les deux termes. Par exemple, soit une relation entre le tag « peinture » et le tag « louvre », si l'utilisateur consulte les photos qui possèdent le tag « peinture », l'application devrait être en mesure de lui proposer les photos qui ont le tag « Louvre », même si elles n'ont pas le tag « Peinture ».
Ces deux exemples amélioreraient significativement l'utilisation des tags dans le classement et la recherche de ces propres photos. Mais, il est aussi possible d'améliorer la recherche croisée sur l'ensemble des utilisateurs de Flick'r. Un de problèmes des tags, et Olivier Le Deuff y fait allusion, concerne la langue et de façon plus générale l'orthographe des tags. Ainsi, si je recherche les photos sur Paris dans Flickr, je ne vais pas retrouver les photos des Italiens qui ont utilisé le tag « Parigi ». Si j'avais la possibilité d'indiquer des étiquettes alternatives à mes tags, j'associerai le tag Paris au tag Parigi et le système pourrait alors faire une recherche croisée sur les deux tags. On pourrait d'ailleurs dans ce cas imaginer un vocabulaire contrôlé par les administrateurs de Flick'r mais non figé, qui servirait de référentiel pour son propre système de tags. Ainsi, on pourrait relier les étiquettes de ce thésaurus central à son propre thésurus et ainsi améliorer les performances de recherche.
Évidemment, tout cela, c'est joli, mais est-ce-que les utilisateurs vont suivre ? La question mérite d'être posée, mais, selon moi, la réponse est claire : OUI. Ils vont d'eux-même voir que le principe des tags est limité et, très naturellement, ce genre de système, surtout s'il est optionnel, attirera de plus en plus d'utilisateurs au fur et à mesure de l'augmentation du nombre de tags et du nombres d'items indexés. Dans son article, Olivier Le Deuff parle du Web sémantique du pauvre. Il me semble qu'une telle expression est erronée, je dirais que c'est plutôt les prémices du Web sémantique pour les utilisateurs qui commencent à comprendre concrètement quels sont les problèmes et les enjeux. Or, les technologies du Web sémantique offrent aujourd'hui les moyens de répondre rapidement à ces attentes qui vont forcément se créer et d'ailleurs je me propose de vous le prouver dans mon prochain billet.
Commentaires
C'est la première fois que j'entends le terme «folksonomie». Merci à votre site j'ai appris l'existence de ce concept.
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Lilia Gephardt | CO domains
Pour prolonger ta réflexion, j’avais écrit (il y a déjà un peu de temps) plusieurs billets qui portaient sur le même sujet http://abbmp3.com/