Le Moyen Âge est la fosse à purin de l'Histoire. Les gens étaient sales et malades. Vous devez oublier tout ce que vous avez pu lire dans les contes de fées.

Connie Willis, Le grand livre, éd. J'ai lu, Paris, 1994, p. 51.

Au cours de ma lecture hier soir, je suis tombé sur cette phrase, alors que, justement, je me demandais quelle était la vision du Moyen Âge dans notre société.

Je saute toujours sur mon siège lorsque j'entends les journalistes comparér telle ou telle situation au Moyen Âge que ce soit pour qualifier le sort des femmes afghanes ou la famine en Afrique. Il est évident que cela ne fait pas référence à la période historique, mais plutôt à un imaginaire dans lequel le Moyen Âge est une période d'obscurantisme entre la fin de l'Antiquité et la Renaissance. D'ailleurs, l'expression "Moyen Âge" a été créée par les Humanistes du XVI^e siècle pour qualifier cette période intermédiaire. Cette vision s'est poursuivie jusqu'au XIX^e siècle.

Mais, dans le même temps, le Moyen Âge bénéficie toujours d'une certaine fascination. Ainsi, Les rois maudits vont avoir le droit à une nouvelle adaptation à la télé avec Philippe Torreton. Un éditeur se lance dans la vente de "figurines de chevaliers du Moyen Âge" et en fait la publicité en boucle à la télévision. Cette vision provient du romantisme historique du XIX^e, le moment où le Moyen Âge devient à la mode, où Prosper Mérimé et Eugène de Viollet-le-Duc parcourent la France pour sauver les monuments médiévaux. Ivanhoé est un digne représentant de cette vision et je m'étonne toujours de la fascination pour les Chevaliers de la table ronde ou encore pour les abbayes et autres établissements religieux médiévaux.

Bref, notre société choisit au gré de ses envies et de ses besoins la vision qui l'arrange ; on oscille entre le rêve de l'idéal chevaleresque et l'obscurantisme. Au-delà de ces imaginaires qui ont la vie dure, je regrette quand même que l'histoire du Moyen Âge, telle que les historiens actuels la mettent en lumière, ne soit pas mieux connue, mais on lui fait une place tellement infime dans les programmes scolaires que ce n'est pas étonnant.

Si vous voulez en savoir plus sur cette vision du Moyen Âge, je ne suis visiblement pas le seul à me poser la question, je vous renvoie à cet article : "La perception du Moyen Age depuis la fin du XVIII^e siècle" paru dans un numéro spécial "Moyen Âge" de la revue Le Français dans tous ses états.

Zid ou d'autres, vous en pensez quoi de cette fascination ambivalente pour le Moyen Âge ?

Mise à jour : Zid a répondu à la question dans un superbe billet dont je conseille la leture. Merci Zid