Les petites cases

Roger T. Pédauque II, le retour (1ère partie)

En guise de préambule : le collectif Roger T. Pédauque s'est reformé pour proposer au commentaire un (plusieurs ?) nouveau texte pour étudier les implications du numérique sur la vision du document/information à la lumière des innovations et avancées récentes. Ayant par le passé analysé et critiqué un des textes, j'ai été sollicité par Jean-Michel Salaün pour participer à l'annotation de ce texte collectif. Difficile tâche tant mes journées sont remplies ces derniers temps, le délaissement de ce blog en est la preuve... Néanmoins, j'aimerais partager dans les prochains billets plusieurs réflexions en vrac qui me sont venus à la lecture de ce texte. Je précise que mon objectif n'est absolument pas de polémiquer, mais d'apporter ma pierre à l'édifice avec le ton habituel que j'utilise sur ce blog.

Un état de l'art, des pistes de réflexion ou une introduction ?

Je comprends aisément la réaction de Christian à la lecture de ce texte. J'imagine aisément sa frustration que je partage en partie sur l'état partiel et introductif de la réflexion lorsqu'on la compare à celle qu'il mène pour Ars industrialis sur les technologies relationnelles. Et il est vrai qu'en l'état, il est difficile de qualifier la nature de ce texte : état de l'art, pistes de recherche ouvertes, introduction à d'autres textes, manière d'enterriner une réponse définitive à certaines questions posées il y a quelques années (le Web, un média ? par exemple, mais est-ce encore utile de la poser ?)... Ce sentiment est renforcé par, ce qui me semble, une absence d'un véritable fil conducteur entre les différents thèmes (Science du Web, information vs communication, dimension temporelle du document, Web sémantique/Web de données, Utopies et architectures) mis à part le fait qu'ils étaient soit absents, soit à l'état d'ébauche ou qu'ils sont remis en cause depuis les précédents textes de Roger. Pour ne donner qu'un exemple, il est assez perturbant d'enchaîner une légitime étude épistémologique sur la science du Web avec une réflexion sur l'objet en lui-même (le Web). Par ailleurs, certaines annotations d'Alexandre Monnin prouvent qu'une nouvelle fois les auteurs oublient parfois d'inclure les problématiques et la réflexion techniques/technologiques (et encore plus le travail de normalisation) et qu'un vernis ne suffit pas pour appréhender complètement un dispositif socio-technique comme le Web, même si la réflexion se veut théorique.

Néanmoins, je n'irai pas jusqu'au rejet hallucinogène comme le fait Christian pour plusieurs raisons :

  • une réflexion globale sur l'appréhension de l'information à l'ère du Web est essentielle ;
  • ce texte me semble marquer une rupture pour les sciences de l'information en France en mettant clairement le Web en tant que dispositif socio-technique d'échanges de l'information au centre de la réflexion et non le document, le texte ou l'humain ;
  • la remise en cause de la vision de Roger I sur le Web sémantique et, ce faisant, d'une certaine vision du document issue de Suzanne Briet, n'en déplaise à Manuel Zacklad, me ravit tant cette partie était le reflet des idées reçues et des clichés dont a souffert et souffre encore ce domaine.

Bref, même avec ces imperfections et ces limites imputables en partie au fait qu'il s'agit d'un texte en construction, Roger II marque un point de départ à de nouvelles recherches, à de nouvelles pistes et c'est dans cette perspective que j'ai pris connaissance de cette initiative pour laquelle je reste attentif voire enthousiaste, en espérant trouver le temps d'y mettre mon grain de sel.

Management de l'information RDF Web sémantique Causeries Digital humanities Linked Data — 

Commentaires

Salut Gauthier,

N'attends pas trop pour les commentaires, la première phase se termine le 4 avril.

Sur le côté déroutant et la comparaison avec Ars Industrialis, je pense qu'il y a une erreur de perspective. Les seconds s'inscrivent dans un courant de pensée précis avec une volonté de globalisation à laquelle on peut adhérer ou non. La dynamique de R. T. Pédauque est bien différente, il s'agit de tisser ensemble des points de vue et des expertises qui peuvent être contradictoires, d'enrichir sans nécessairement convaincre. Par exemple, je crois que ton point de vue et celui de Manuel mérite d'être confrontés, sans nécessairement que l'un emporte sur l'autre dans le texte. Le lecteur tranchera.

À la phase actuelle, il est naturel que le texte n'ait pas de fil conducteur solide. Il en a d'ailleurs plus que les versions 1 des précédents textes de Roger. Il n'est même pas sûr qu'in fine la cohérence soit totale, même si, bien sûr c'est l'objectif.

Tout cela n'est qu'une expérience de rédaction collective, dont le résultat reste incertain, comme toute expérience. Et je regrette que Christian l'ait traité avec un haussement d'épaule sans prendre le temps de la critique. Je ne crois pas trop aux postures dans la réflexion scientifique.

Merci Jean-Michel pour le commentaire. J'essaye de faire au plus vite pour rédiger la suite de ce billet, mais mes journées sont très occupées en ce moment... La plus importante réaction devrait arriver la semaine prochaine au plus tard.

OK pour les objectifs et le positionnement du texte, comme je l'ai précisé, il s'agit d'un ressenti que j'ai exprimé ici (l'avantage du blog) avec les aspects positifs et négatifs. Quant au contrepied que j'ai souhaité prendre par rapport à Christian, cela relève essentiellement d'un artifice rhétorique et pas du tout pour la stigmatiser (j'espère qu'il me le pardonnera ;-) car, effectivement, sa réaction ne peut être la même étant donné son positionnement.

Ce qui me gène dans ce texte c'est que j'y vois le mauvais côté des sciences de l'information. Celui qui se contente de décrire, de loin, la situation. Trop souvent on nage dans des lieux communs et, même si on est au niveau des concepts, on n'y rencontre pas la force des concepts.

J'ai été désinvolte dans ma réaction parce que, quand même, ce sont des chercheurs qui ont produit ce papier. Je n'y trouve aucune rigueur, aucune thèse ni aucune argumentation. Juste des évocations descriptives qui semblent chercher des consensus ou soulever des questions de manière artificielle.

Ne soyez pas consensuel, leur dirais-je, et ne vous contentez pas d'un papier journalistique sur les "TICs". Cherchez et travaillez bon sang ! Vous adoptez des pratiques qui font que vous avez tendance à fuir votre propre objet de recherche à force de le regarder de loin, avec des jumelles.

Et puis, il y a quand même Bachimont parmi les auteurs, qui a déjà démontré qu'il pouvait être incontournable sur ces questions (j'ai encore sa thèse et son HDR en tête). Mais là, rien ne ressort dans ce texte collectif.

Tout cela fait que je trouve ce texte inquiétant concernant l'état de la recherche sur ces sujets en France (Francophonie) et de l'enseignement qui en découle forcément.

Par rapport à AI, je suis d'accord avec JM ; ce ne sont pas les mêmes motivations ni objectifs, même si j'aurais aimé pouvoir m'appuyer sur les travaux de ROGER, or à ce n'est tout simplement pas possible.

enchaîner une légitime étude épistémologique sur la science du Web avec une réflexion sur l'objet en lui-même (le Web)

Hmm, "légitime", "science du Web", trop de présupposés ou d'implicite à mon goût, méfiance instinctive — autant que raisonnée et expérimentée ! Pas moyen d'avancer sans argumenter sérieusement sur ces points. Ou alors, il s'agit de tout autre chose, et on va faire de la pragmatique, de la rhétorique et de la sophistique (aux mauvais sens des deux derniers termes).

Je suis de plus en plus hostile à légitimer "le Web" comme objet de "science" en tant que tel, en tout cas indépendamment d'une sociologie politique et/ou (au moins) d'une approche anthropologique.

Et si je souscris à la formule de Gautier "dispositif socio-technique" (qui pourrait bien relever du concept de "milieu associé"), la suite exige, à mon avis, un travail plus approfondi — de l'ordre des démarches — pragmatiques — de Roger T Pédauque ? — : "d'échanges de l'information au centre de la réflexion et non le document, le texte ou l'humain".

Trop de documents et/ou discours utilisent informellement les termes d'information (encore plus si on lui adjoint un article défini !) et de données (data) pour qu'ils aient la moindre opérationnalité philosophique ou scientifique.

Bon, je tente de continuer la discussion malgré les contraintes (socio-?)techniques (? — en tout cas) de ce *** de logiciel de blog, qui a purement et simplement sucré la fin de ce que j'avais écrit.

Ex-cursus : avant la délégation aux (pseudo-)technos "2.0", les outils à disposition permettaient d'ouvrir une discussion, de publier un commentaire ou d'ouvrir une discussion sur une liste de discussion. Aujourd'hui, sans avertissement, une réponse est purement et simplement éliminée. Bravo!

Discutons, donc.

Sourire : Étonnant et un peu facile tout de même cette posture qui va ailleurs et trop tard (ici) critiquer un texte qui ne demandait que cela (là-bas). Non ? Mais nous tiendrons compte de toutes les remarques

Je crois que Christian a tort quand il croit qu'il s'agit de rechercher un consensus. S'il y a des dissensus, il faut au contraire les exposer. C'est bien de la confrontation que peut sortir des idées et non de jugements de valeur à l'emporte-pièce.

Même chose pour Alain, la question est justement de savoir si le web peut-être ou non un objet de science. La réponse n'est pas évidente et ce texte martyr n'est là que pour provoquer la discussion.. heureux malgré tout qu'elle rebondisse ici, un peu, bien peu réellement argumentée pour le moment il me semble pour avancer. Alors n'hésitez pas à creuser..