Les petites cases

La blogosphère s'enflamme

Nous avons aujourd'hui assisté à un débat violent avec noms d'oiseaux et coup de poing virtuel dont seule la blogosphère a le secret et qui fait tout son charme. Le sujet : les « standards du Web », le « coupable » : Luc Saint-Élie, le redresseur de torts : Daniel Glazman, les « armes » : billet, trackbacks et commentaires. Tous les ingrédients sont réunis pour sortir la blogosphère de sa torpeur estivale et la caisse de résonance a joué à fond.

Rappel rapide des faits pour mes quelques lecteurs qui ne suivent pas la « blogosphère des geeks et des standards ». Luc Saint-Élie qui se présente comme journaliste sur son blog a commis un billet ce matin contre ce qu'il appelle les « standards du Web », Daniel Glazman qui fait partie, entre autres, du groupe qui a mis au point CSS au W3C lui répond avec sa franchise habituelle (on aime ou pas, peu importe il fait ce qu'il veut, c'est son blog), Olivier Meunier, le papa de Dotclear (qui pour une fois n'est pas au coeur de la tempête ;-) ) s'en amuse, Tristan Nitot, évangéliste des « standards du Web » et président de Mozilla Europe appelé au secours essaye de calmer le jeu dans une position de sage qu'on lui connaît et Mitternacht se fout gentiment d'eux (Merci à elle d'apporter une pointe de finesse dans ce monde de brutes). Voilà pour les blogs que je suis, si ça vous amuse, que vous n'avez rien de mieux à faire ou que vous faites une recherche en sociologie sur la blogosphère, vous pouvez suivre les différents trackbacks.

Au delà du débat en lui même sur lequel je ne reviendrai pas (je suis globalement d'accord avec Daniel Glazman), l'encre électronique a suffisamment coulé, deux choses m'interpellent : le concept de « standards du Web » et surtout les différences d'appréhension de ce débat avec le milieu dans lequel j'évolue (globalement et en très gros : recherche scientifique et valorisation du patrimoine dans un service public).

Les standards du Ouèb....

A la lecture de la diatribe de Luc Saint-Élie, je me demandais ce que pouvait bien recouvrir ce concept de « standards du web ». Visiblement, il confond allègrement le principe de la séparation de la mise en forme et des contenus et l'utilisation du couple XHTML et CSS. Pour rappel, le XHTML et le CSS sont deux recommandations du W3C, ils ont été mis en place pour permettre au mieux ce principe, mais le HTML 4.01, qui précédait XHTML le permettait aussi. A titre d'exemple, tous les ouvrages des éditions électroniques de l'Ecole des chartes sont en HTML 4.01. Bref, le concept de « standards du Web » est devenu un raccourci pour parler du principe de séparation de la mise en forme et des contenus présenté à travers l'application stricte de XHTML et CSS par des initiatives telles qu'OpenWeb. Vous m'excuserez ce raccourci, mais finalement c'est très journalistique comme méthode...

Mais, ce qui me gêne le plus, c'est l'étroitesse de cette vision. J'ai l'impression qu'on oublie que les standards utilisés aujourd'hui sur le Web ne se limitent pas au couple XHTML/CSS, qu'ils ne sont pas mis en place simplement par le W3C et sont issus de technologies parfois plus anciennes. Daniel Glazman y fait allusion, en rappelant le travail essentiel de normalisation du W3C sur le protocole HTTP qui nous permet d'accéder au Web ou à XSL (c'est bien la première fois que j'entends Daniel dire du bien de XSL, c'est à noter ;-) ), mais trop rapidement à mon avis. Luc Saint-Élie réduit ainsi le travail essentiel des initiatives comme celles du TEI consortium dont le but est de mettre en place un schéma XML dédié à l'encodage des textes, du consortium OASIS qui travaille pour la normalisation et la standardisation de formats de fichiers ouverts basés sur XML. Surtout, il oublie que le principe de XML est issu du SGML devenu norme ISO en 1986. Je pourrais allonger la liste indéfiniment. D'ailleurs, les recommandations issues du W3C ne sont pas utilisées que sur le Web, XML est implémenté en natif dans Open Office et même dans Microsoft office et le W3C a même fait une recommandation pour écrire les recommandations (petit salut amical à Karl). Bref, ce raccourci me paraît profondément réducteur.

Pourquoi appliquer le principe de la mise en forme et du contenu ?

Ce qui m'étonne le plus dans cette histoire, ce sont les arguments qui ont fusé des deux côtés pour l'utilisation ou non du principe de séparation de la mise en forme et des contenus (appelons un chat un chat... Ils n'ont finalement parlé que de ça...). Ce sont les arguments qu'on lit régulièrement sur les problèmes économiques, l'économie de la bande passante et l'accessibilité. Mis à part le dernier de cette liste, je n'utilise jamais les deux premiers et certainement à cause de ma position, j'en utilise deux autres qui me paraissent tout aussi essentiels et qui sont pourtant oubliés.

Contrairement à ce que dit Luc Saint-Élie quand il parle des « cochons de littéraires » (j'ai raison de me sentir visé là, non ?), nous ne sommes pas des cochons. Les littéraires savent ce qu'est un tableau, cela sert à mettre en place des données tabulaires et non à mettre en page un texte. Est-ce-que cela vous viendrait à l'esprit d'utiliser systématiquement des tableaux dans Word ou Open office pour mettre en page votre texte ? Pas à moi, en tout cas. Toute information possède une structure logique et est organisée en titre, paragraphes, portions d'informations... Or, l'application des standards émis par le W3C, et en particulier XHTML, permet justement d'organiser logiquement l'information. De la même façon, quand on écrivait des rédactions/dissertations à l'école, on mettait des titres, on faisait des alinéas... pour une meilleure lisibilité. Je ne m'étendrai pas plus sur ce sujet et vous renvoie à mes modestes contributions dans ce domaine : l'édition électronique de sources historiques et réflexions sur l'utilisation de la TEI pour coder les sources diplomatiques.

De plus, ce principe de séparation du contenu et de la mise en forme garantit aussi la conservation, puisque les données ne sont pas spécifiques à une application et à un outil informatique qui deviendra rapidement obsolète. Et, si par malheur, les navigateurs Web dans le futur ne savent plus interpréter nos actuelles pages HTML et donc ne peuvent plus nous afficher nos jolies feuilles de style CSS, on pourra toujours regarder le code de la page dans les éditeurs de texte du futur et comprendre la structure du texte et éventuellement même reconstituer des outils pour les lire ou pour les migrer automatiquement. Je vous souhaite bon courage pour faire cela avec une page HTML et une mise en forme avec des tableaux, c'est impossible (vive les spacer.gif !!!)....

Bon, j'arrête de râler, mon billet est déjà trop long... et je vais me coucher, parce que demain, il faut que je continue d'écrire ma communication pour expliquer tous ces principes samedi matin à des historiens diplomatistes à Bonn.... Je pense que j'aurai une pensée émue pour Luc Saint-Élie...

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