Les petites cases

B- Saint-Leu et les Dammartin

Après avoir étudié la fondation du prieuré, ses motivations, son contexte et ses acteurs, nous devons maintenant étudier les rapports qu’entretiennent le prieuré et la famille des fondateurs, les Dammartin. En effet, pendant trente ans, les Dammartin vont rester dans l’univers du prieuré. Cette influence se ressent dans les donations et les choix d’implantation des moines. Il est donc important d’analyser les motivations des Dammartin, Sont-elles seulement religieuses ou existe-t-il un enjeu seigneurial ? Quel prestige le prieuré apporte-t-il aux Dammartin ?

1- Une nécropole familiale

a- L'installation du prieuré dans l'enclos comtal

A la suite à la donation d’Hugues de Dammartin, les moines s’installent aux abords de l’église, sur une terre se situant au nord de l’église primitive. Le mécanisme de l’installation des moines à cet emplacement est assez difficile à reconstituer ; nous pouvons tout de même nous y risquer en prenant appui sur les différentes fouilles archéologiques menées dans et autour de l’église1. Ainsi, il semble que ce site ait été un sanctuaire religieux, bien avant le XIe siècle. Des sarcophages du haut Moyen Age ont été retrouvés sous les fondations de l’église dite primitive. Les constructeurs de cette église ont donc perturbé un site plus ancien pour construire une nouvelle église, certainement sur l’emplacement d’une ancienne nécropole.

La datation de l’église primitive a posé des problèmes, qui semblent aujourd’hui résolus. Or, cette datation est essentielle pour comprendre la stratégie d’Hugues de Dammartin. Lors de la première fouille, une monnaie de la fin du Xe siècle est retrouvée dans le remblai de tombe d’un sarcophage, Pierre Durvin en déduit la date de construction de l’église à la fin du Xe siècle. Dès 1959, Jean Hubert2 remet en cause cette datation après la communication de Pierre Durvin devant la Société nationale des Antiquaires de France. Il appuie cette remise en cause sur le plan qui lui paraît correspondre aux édifices du premier art roman régional que l’on retrouve dans le Soissonnais : Berny-Rivière, Montlevon, Oulchy-le-Château, ou encore la première église du prieuré clunisien de Nanteuil-le-Haudouin. Or, Dammartin est très proche de Nanteuil-le-Haudouin. Il semble donc plus vraisemblable que l’église dite primitive mise à jour par les fouilles de 1955 a été construite par Hugues de Dammartin peu avant 1081. Philippe Racinet ajoute qu’Hugues a fait construire cette église dans « le but de la céder à Cluny pour que l’abbaye y installe une communauté »3. Cette hypothèse est séduisante, mais les sources manquent pour la confirmer. Nous pouvons peut-être voir aussi dans cette construction la volonté d’Hugues de Dammartin de rassembler ses serfs autour d’un pôle constitué par l’église, dans le contexte d’encellulement.

La présence de l’église sur cette terre oblige les moines à s’installer sur le plateau. Au sud-ouest de l’église, la place manquait au développement de l’espace monastique. C’est pourquoi les moines s’installent au nord de l’église, certainement à l’emplacement d’un enclos comtal. En effet, il semble qu’une construction seigneuriale existait déjà à cet endroit. Le manoir prioral, construit au XIVe siècle, prend appui sur des substructions qui paraissent plus anciennes. D’autre part, l’emplacement du château à côté du prieuré se retrouve à Nanteuil-le-Haudouin et à Saint-Arnoul de Crépy-en-Valois, deux sites qui se trouvent à moins d’une trentaine de kilomètres de Saint-Leu.

Ainsi, Hugues fait construire une église sur un alleu lui appartenant à l’emplacement d’une ancienne nécropole. Elle lui permet d’affirmer son pouvoir seigneurial sur le terroir d’Hescerent. Au moment de la fondation, l’existence de cette église oblige donc les moines à installer leurs bâtiments conventuels à l’emplacement de l’enclos comtal. Les moines sont donc contrôlés par la famille de Dammartin. Ces derniers considèrent que cette fondation leur appartient, ils en font une nécropole familiale dont ils tirent un prestige certain. Les moines se sont installés sur une terre des Dammartin, mais pas n’importe laquelle, celle qui contient les symboles du pouvoir seigneurial au XIe siècle : l’église et le château.

b- Un prestige familial

Dans sa thèse sur les rapports entre l’aristocratie et le monachisme en Provence, Eliana Magnani Soares-Christen affirme : « La création d’un monastère est, avec l’élévation d’un château, un acte fondateur : le château est l’expression monumentale du pouvoir coercitif, le monastère est sa sacralisation. »4. Cette remarque faite sur un domaine géographique et sur une période différents semble appropriée pour qualifier la fondation d’Hugues de Dammartin. La fondation de ce monastère est avant tout un moyen de mettre en valeur sa famille. Avec Hugues, la famille de Dammartin acquiert une indépendance par rapport aux comtes de Ponthieu et devient une des familles les plus importantes du nord de l’Ile-de-France. Proche du roi ou en guerre contre lui, il pèse de tout son poids dans les jeux seigneuriaux. La proximité de son comté avec le domaine royal lui donne une position incontournable face aux aristocrates de la région. D’autre part, la fondation n’est qu’une suite logique à la restitution des églises de Bulles à l’évêque Guy de Beauvais. La fondation de Saint-Leu doit donc s’interpréter comme un signe de maturité de la famille de Dammartin. En plus du pouvoir seigneurial, cette fondation leur permet de se positionner au niveau religieux.

La présence du roi au moment de la fondation est tout à fait caractéristique du prestige qu’espère recevoir Hugues de cette fondation. Hescerent ne fait pas partie du domaine royal, pourtant Hugues légitime son action et fait souscrire sa donation par le roi de France, alors qu’il aurait pu se contenter du seigneur du Beauvaisis, l’évêque de Beauvais Guy. La présence du frère du roi, Hugues de Crépy et de sa femme Adèle de Vermandois ne fait qu’accentuer cette impression. Ce couple possède une place primordiale dans le nord de l’Ile-de-France à cette époque et Hugues voit certainement dans leur présence un moyen d’attirer les donations des autres aristocrates et, de gagner un certain prestige auprès du roi contre qui, rappelons-le, il était en guerre quelques années plus tôt.

L’installation clunisienne dans le nord de l’Île-de-France se fait par l’intermédiaire de seigneurs comme Hugues. Outre l’aspect religieux indéniable, ces seigneurs voient dans la fondation d’un établissement religieux un moyen d’assurer à leur famille un prestige et une mémoire éternelle. Ainsi, à plusieurs reprises dans le courant du XIIe siècle, le nom du fondateur Hugues de Dammartin est cité dans les chartes. Lors d’un conflit entre les moines et la population d’Hescerent sur la taxe sur le vin, les moines rappellent le souvenir d’Hugues qui leur avait fait cette donation pour rejeter les récriminations de la population5. Ce prestige d’Hugues a traversé les siècles, puisqu’il est devenu le héros d’une légende expliquant la fondation, comme nous l’avons déjà vu.

c- Être enterré à Saint-Leu : une nécessité pour les Dammartin

Outre le prestige familial, la fondation de Saint-Leu permet aux Dammartin de disposer d’un lieu de sépulture. Ainsi, les trente premières années de l’existence du prieuré sont marqués par l’inhumation des Dammartin à l’intérieur de l’église. Même si, comme nous l’avons vu, Hugues voyait dans cette fondation un moyen d’asseoir une domination seigneuriale dans le nord de l’Ile-de-France, il ne faut pas négliger les raisons religieuses. Pour les hommes de la fin du XIe siècle, le choix du lieu de sépulture est essentiel et la fondation de Saint-Leu est marquée par cette préoccupation.

La documentation nous apporte un cas bien précis d’inhumation d’un Dammartin à l’intérieur de l’église6. Il s’agit de Pierre, comte de Dammartin, fils et successeur d’Hugues de Dammartin. Les circonstances de sa mort sont assez particulières et illustrent l’importance que revêt l’enterrement à Saint-Leu pour les comtes de Dammartin. Vers 1107, Pierre est entraîné par son seigneur le comte de Champagne à combattre le roi de France, Louis VI le Gros. Au cours de la bataille de Gournay, Pierre est mortellement blessé : le texte de la charte nous dit : « captus infirmitate ». Il se réfugie dans le château de Rosnay7 en Champagne. Ce texte, qui est une notice d’un cartulaire perdu et recopié par Baluze au XVIIe siècle8, donne quelques précisions sur ce passage de la vie de Pierre. Selon ce texte, Pierre fait appel aux moines de Saint-Leu pour recevoir les derniers sacrements. Le prieur Aimar fait dépêcher à ses côtés le frère Brice9. Il reçoit les dernières donations de Pierre pour le prieuré de Saint-Leu. C’est à cette occasion que nous apprenons qu’Hugues a fini sa vie en tant que moine de Saint-Leu : « pater suus [Pierre de Dammartin] Hugo comes, monachus noster ». La donation s’accompagne des souscriptions des témoins, tous des proches des Dammartin.

La deuxième partie de la notice nous intéresse plus :

« Cumque omnia jure et ut competebat confirmasset, nimio animi fervore a nobis postulavit ut juxta patrem suum atque fratrem [matrem10] apud Sanctum Lupum de Escerente habere sepulturam mereretur ; quod Christo propitio, cum magno labore ac difficultate a nobis completum est. »

Par ce texte, nous apprenons qu’Hugues et sa femme Roaide, sont enterrés dans l’église de Saint-Leu. La première génération des Dammartin s’est donc bien servi de Saint-Leu comme une nécropole familiale. Il est donc normal de voir Pierre désireux d’être aux côtés de ses parents et être enterré à l’intérieur de l’église. Or, comme nous le voyons, les moines ont eu du mal à accomplir cela, « cum magno labore ac difficultate a nobis completum est ». Ces problèmes s’expliquent assez aisément : révolté contre le roi, Pierre a perdu son comté. Sa traîtrise a entraîné la confiscation du château de Dammartin-en-Goële par le roi de France, Louis le Gros, qui s’oppose certainement à ce que le comte soit enseveli à Saint-Leu. Faisant fi de ces problèmes, les moines réussissent à rapatrier le corps et à l’enterrer à l’intérieur de l’église. Le texte se termine par la confirmation des donations par la veuve de Pierre, Eustachie. Non seulement, il s’agit d’une priorité pour les Dammartin d’être enterré à l’intérieur de l’église de Saint-Leu, mais aussi pour les moines qui font en sorte de pouvoir respecter les désirs de Pierre de Dammartin. Ainsi, le prestige est partagé entre la famille de Dammartin et les moines. Ces derniers voient leur établissement valorisé par l’ensevelissement d’une grande famille aristocratique à l’intérieur de leur église.

2- Un moyen de contrôler la terre et les vassaux

a- Saint-Leu dans les terres des Dammartin

Les Dammartin possède au moment de la fondation de Saint-Leu un grand nombre de terres que nous pouvons séparer en trois parties : une francilienne, une champenoise et une beauvaisienne. Leur dispersion a, certainement, obligé Hugues à prendre des décisions pour réussir à les maintenir.

La plus importante correspond évidemment à la partie francilienne, autour de Dammartin-en-Goële, où les Dammartin possèdent un château. Le village de Dammartin surplombe la route allant de Paris vers Soissons et Reims, juste à la frontière du domaine royal. Les comtes de Dammartin ont donc peu à peu étendu leur influence à tout le nord-est de Paris. Les problèmes entre le chapitre de Paris et Hugues de Dammartin permettent d’apprécier ses possessions au nord de l’actuelle Seine-Saint-Denis et au sud du Val-d’Oise : Sevran11, Mitry-Mory sont les causes de nombreux conflits et valent à Hugues une excommunication. Le cartulaire blanc de Saint-Denis montre la puissance des Dammartin dans le dispositif mis en place par l’abbaye pour le contrôle et l’exploitation de ces terres et les problèmes qui en découlent. Ainsi, les Dammartin était les avoués de l’abbaye de Saint-Denis à Tremblay-en-France12 qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de Dammartin13. Le sénéchal héréditaire des Dammartin était le seigneur d’Aulnay-sous-Bois14 dont l’autorité s’étendait au Blanc-Mesnil15 et à Bondy16. Les comtes de Dammartin disposaient aussi de deux points d’appui sur la Marne : Noisy-le-Grand17 et Annet. Leur territoire en Île-de-France s’étendait donc d’Ermenonville dans le diocèse de Senlis au nord à Noisy-le-Grand dans le diocèse de Paris au sud, et à tout l’ouest du diocèse de Meaux autour de Dammartin-en-Goële. Ainsi, ils maîtrisaient, dans cette partie francilienne, plusieurs voies d’accès : la route vers Soissons et Reims, la Marne, la route vers Senlis et encadraient une partie des possessions royales.

Les possessions champenoises de la famille de Dammartin sont tenues conjointement avec ses cousins de Ramerupt-Roucy et sont connues grâce aux donations d’Hugues et ses cousins à différents établissements ecclésiastiques. Le comte Ebles II de Roucy et son cousin Hugues de Dammartin abandonnent leur droit de voirie sur le site du prieuré de Mortcerf, au profit de l’abbaye Saint-Martin-de-Pontoise18. En 1082, Hugues est accompagné par ses cousins Ebles et André de Ramerupt pour donner à l’abbaye de Marmoutier le prieuré de la Celle-en-Brie19. Ainsi, ils possèdent quelques terres dans la Brie champenoise auxquelles il faut ajouter une partie de l’Arcesais et du pays de Rosnay, terre champenoise elle aussi20.

La dernière partie des possessions des Dammartin est composée des terres dans le Beauvaisis. Aucun document ne permet de savoir comment ces terres sont arrivées aux mains des Dammartin, ni même d’être sûr de leur étendue. Les seules certitudes concernent Hescerent, Bulles et le droit de transit sur l’Oise. Bulles se trouve à 18 km au nord-est de Beauvais. La plupart des historiens attribuent la possession de cette terre au mariage entre Hugues et Roaide. Les Dammartin possèdent le château de Bulles, ainsi que l’église du lieu qu’Hugues restitue à l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais devant l’évêque Guy. En 1065, Hugues exempte de tout droit de transit sur l’Oise les navires de l’abbaye de Fécamp21. Quant à Hescerent, cette possession est connue par la donation qu’Hugues fait à Cluny et la fondation du prieuré de Saint-Leu.

Ainsi, Hugues est obligé de mettre en place différents moyens de contrôle sur les différentes terres qu’il possède : un contrôle direct sur la partie francilienne, un contrôle partagé avec ses cousins sur la partie champenoise qui lui est imposé par la possession partagé des terres dans cette partie et un contrôle indirect dans l’Oise. En effet, la fondation de Saint-Leu lui permet de laisser la tutelle officielle aux moines, mais en réalité, nous pouvons penser qu’Hugues contrôle toujours le terroir d’Hescerent et ses vassaux sur ce territoire. Par cette implantation et les facilités qui l’accompagnent, il oblige ses vassaux à faire des donations à Saint-Leu, et garde ainsi un contrôle, même réduit, sur les terres de ses vassaux. Tant que le prieuré contrôle les terres de l’Oise, il peut se concentrer plus facilement sur ses possessions franciliennes où il se trouve confronté au roi de France et aux établissements ecclésiastiques, chapitre de Paris et abbaye de Saint-Denis. D’autre part, Hescerent est un endroit stratégique dans l’accès au domaine royal. Le prieuré domine l’Oise, contrôle la rivière et permet d’avoir une vue dégagée vers Creil22 au nord et vers Boran23 au sud. L’Oise est un point d’accès à la Seine et une voie permettant aux marchands de Flandre d’acheminer leur marchandise vers le sud. Ainsi, Hugues contrôle une quatrième route stratégique d’accès au domaine capétien. Ne pouvant assumer seul cette surveillance, la mise en place d’un prieuré fidèle à sa famille lui assure la protection de ce territoire.

2- Dominer les vassaux par l’intermédiaire des moines

Hugues prend une décision importante dans l’acte de fondation. Il permet à ses vassaux de donner des terres dont il est le seigneur au prieuré de Saint-Leu sans réclamer de compensations financières24.

Cette décision a deux conséquences. Tout d’abord, elle assure aux moines l’afflux de donations et donc, la pérennisation de l’établissement. Ces donations sont motivés par le prestige familial des Dammartin et le fait que Saint-Leu représente leur nécropole familiale, les vassaux des Dammartin ont plus de facilité à donner à Saint-Leu qu’à un autre établissement ecclésiastique. D’autre part, elle permet aux Dammartin de contrôler les donations de terres qui leur appartiennent. Ils préfèrent voir une terre donnée à Saint-Leu qu’ils contrôlent même indirectement, plutôt qu’à un autre établissement ecclésiastique dont ils n’ont pas le soutien. En cas de problème, les moines de Saint-Leu peuvent aider les Dammartin, alors qu’un autre établissement ecclésiastique a plus de réticence. Ainsi, les quarante premières années de l’existence du prieuré sont marqués par des donations de petits aristocrates locaux se trouvant dans un rayon de 15 km autour du prieuré. Il est difficile d’être sûr que tous ces petits aristocrates sont vassaux des Dammartin, mais certaines chartes font référence directement aux Dammartin et nous pouvons identifier d’autres petits aristocrates parmi les proches des Dammartin. Sur les vingt-trois documents conservés sur la période allant de 1081 à 1117, treize documents sont le fait de proches de Dammartin ou font références directes aux Dammartin, huit documents ne peuvent être, à coup sûr, rattachés aux Dammartin, l’identification des personnes étant impossible, et seulement deux documents sont le fait de personnes totalement indépendantes des Dammartin : une bulle de confirmation du pape Pascal II25 et une donation de Gui le chambrier du roi26.

Les interventions des Dammartin sont de deux types : direct, c’est-à-dire qu’ils interviennent directement dans le déroulement de la donation ou indirect, c’est à dire que leur nom est cité ou qu’il s’agit de personnes identifiées parmi des proches ou des vassaux des Dammartin. Nous avons déjà étudié les deux premiers documents : l’acte de fondation et la notice de confirmation par Guy, évêque de Beauvais27. Quatre documents rapportent une intervention directe des Dammartin :

  • La vente d’une terre de Dammartin au prieur de Saint-Leu par Roger, marchand de Dammartin est acceptée par Pierre de Dammartin28 en 1104.

  • La donation d’Aubri dit Payen de Mello de la moûte d’Esserent est approuvée par Pierre de Dammartin29.

  • La donation de Pierre de Dammartin30 vers 1107

  • Un Hugues comte de Dammartin est témoin d’une donation d’un jardin par Pétronille, veuve de Dreux, fils d’Adam31.

Les deux donations confirmées par Pierre le sont à la demande des moines de Saint-Leu. Il est probable que les vassaux connaissaient les dispositions prises par Hugues, ils ne demandaient donc pas une confirmation de leur seigneur. Les moines, voulant s’assurer la possession de ces biens, préfèrent assurer la légitimité sur ces terres en faisant appel aux Dammartin. Ainsi, Pierre est prévenu de la donation qu’il peut confirmer suivant en cela les volontés de son père. Cet aspect est d’ailleurs présent dans une des chartes :

« Qui [Pierre de Dammartin] volens ut Ecclesia ab antecessoribus suis fundata suis etiam amplificaretur donis, elemosinam, sicuti facta fuerit tam in monneta quam in pratis libenter concessit… »

Dans ces conditions, nous avons l’impression que les Dammartin et les moines de Saint-Leu sont liés par une volonté commune, les deux parties trouvant leur avantage dans cette intervention : les moines, puisqu’ils s’assurent la possession des terres données, et les Dammartin, dont les vassaux donnent les terres à l’établissement ecclésiastique qu’ils ont fondé. De la même façon que pour les deux donations, la vente au prieur Aimar est faite avec le consentement de Pierre de Dammartin : « annuente Domino Petro comite de Domno Martino ».

Sept documents semble traduire une intervention indirecte des Dammartin. Parmi ces documents, deux font référence aux Dammartin mais sans qu’ils ne soient présents. Il s’agit des deux règlements de conflits qui ont lieu à la suite de la donation d’Hugues32. Les autres actes sont des donations de proches des Dammartin ou de vassaux. Ainsi, deux exemples sont caractéristiques de cet état de fait : la donation faite par un petit aristocrate : Foulques de Breuil33 et par Gérard, fils d’Igier de Bulles34. Breuil35 est une petite terre à moins d’un kilomètre du prieuré, aujourd’hui dépendante de la ville de Saint-Leu d’Esserent. Il est présent aux côtés du sénéchal des Dammartin dans une charte de Saint-Leu36, et de plus, il semble que le terroir de Breuil appartenait aux Dammartin. La famille de Breuil devient des proches du prieuré, nous les retrouvons à plusieurs reprises témoins du côté des moines ou acteurs de donations. L’autre exemple est la donation faite par Gérard, fils d’Igier de Bulles37. Ce dernier est bien attesté comme un proche des Dammartin. Il est témoin pour la restitution des églises de Bulles et pour la fondation du prieuré de Saint-Leu. L’ombre des Dammartin plane donc au-dessus de cette donation, d’autant plus que les biens donnés se trouvent à proximité des Dammartin : « quam apud Domnum Martinum castrum habebat juxta Ecclesiam Beatae Mariae quae cognominatur ad Evam »38. Ainsi, les Dammartin sont aussi présents dans ces donations, puisque la donation est faite soit par un de leurs vassaux, soit par un de leurs proches. A travers cette présence constante pendant les quarante premières années, ils s’assurent le contrôle des terres de la basse vallée de l’Oise et de leurs vassaux dans ce terroir. Ils permettent aussi d’accompagner la construction du nouvel établissement ecclésiastique et pérenniser son existence. Pourtant, d’autres circonstances vont voir la disparition des Dammartin du jeu seigneurial et donc de la documentation de Saint-Leu.

3- La disparition des Dammartin

a- Les problèmes de la famille de Dammartin

Malgré le prestige familial que leur donne la fondation du prieuré et les précautions prises par Hugues, la famille de Dammartin connaît une période difficile et trouble au début du XIIe siècle qui a pour conséquence la disparition des Dammartin de la documentation de Saint-Leu pendant plus de quarante ans.

A la mort d’Hugues vers 1100 ou au moment de son entrée dans la vie monastique, son fils, Pierre, prend sa succession. Ce dernier a laissé moins de traces dans la documentation que son père. Nous pouvons néanmoins réussir à retracer son parcours. Il apparaît pour la première fois aux côtés de son père, sa mère et ses sœurs pour la fondation de Saint-Leu39. En plus de l’acte de fondation, il apparaît dans sept documents:

  • Il est cité dans une charte de Louis VII de 1175 ou 1176 rappelant une charte antérieure par laquelle il exemptait le village de Lagny-le-Sec du droit de gîte40.

  • Il confirme vers 1104 une vente d’une vigne d’un marchand de Dammartin au prieur de Saint-Leu Aimar41.

  • Il confirme vers 1105 la donation d’Aubri dit Payen de Mello au prieuré de Saint-Leu42.

  • Il est mentionné dans une confirmation générale du pape Eugène III du 7 juin 1147 dans laquelle il est dit qu’il donna une terre aux chanoines du chapitre de Ruricourt.

  • Il donne à l’abbaye de Molesmes des terres de Coclois près de Ramerupt43.

  • Il souscrit une charte de l’abbaye de Montieramey44.

  • Avant sa mort, il fait des donations au prieuré de Saint-Leu et demande à y être enterré aux côtés de son père et de sa mère vers 110745.

Comme nous pouvons le constater, il ne fait que poursuivre la politique de son père dans les différents territoires possédés par la famille de Dammartin. Ainsi, dans les alentours de Dammartin-en-Goële, il intervient à Lagny-le-Sec46. Il confirme les donations au prieuré de Saint-Leu et s’investit dans la vie du prieuré. Il poursuit l’action de son père en Arcesais et en Pays-de-Rosnay avec sa donation à l’abbaye de Molesmes. Il ne change donc pas la politique familiale de présence dans le jeu seigneurial et de donations aux établissements ecclésiastiques.

Cette comparaison avec son père se poursuit dans les actes juridiques, puisqu’il a lui aussi des problèmes avec les chanoines de Paris, comme nous l’apprenons dans une lettre adressée au pape Pascal II en 1104, dans laquelle les chanoines demandent de l’excommunier et de lancer l’interdit sur ses terres. Enfin, l’échec de Pierre et, certainement, de la famille de Dammartin au début du XIIe siècle, se situe dans l’alliance avec le comte de Champagne. De la même façon que Manassès et, dans une moindre mesure, Hugues, Pierre trahit le roi de France. Il n’a pas réussi comme son père à limiter ses affrontements avec lui, il perd la vie mais aussi le comté à la suite de la bataille de Gournay en 1107. Le roi confisque le château de Dammartin et fait en sorte de confier la tutelle du comté à un proche : Lancelin de Beauvais.

Lancelin est issu d’une famille de puissants milites urbains qui réussissent à devenir à la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle des seigneurs banaux du plat-pays47. Il est le frère de deux évêques de Beauvais : Foulques (1089-1095) et Pierre (1114-1133) et fils aîné de Lancelin Ier. Ce dernier est bien connu dans la documentation. Il souscrit un diplôme de Henri Ier en 1057 et plusieurs diplômes de Philippe Ier en 1069 et 1079. A la suite d’Olivier Guyotjeannin, nous pouvons l’assimiler au bouteiller du roi, son homonyme48. Lancelin I est aussi le fondateur du prieuré de Villers-Saint-Sépulchre49 dépendant de Saint-Germer-de-Fly50. Il s’agit donc d’un lignage bien implanté dans le Beauvaisis et fidèle aux Capétiens. Pour confier le comté à ce proche, le roi marie Lancelin à une des filles d’Hugues de Dammartin et sœur de Pierre : Adélaïde. Dès 1111, Lancelin est qualifié de comte de Dammartin par Suger : « Lancelinum, comes de Domno martini »51. A la même date, ses relations avec le roi de France, Louis VI le gros, se détériorent. Il continue en cela la politique des Dammartin, puisqu’il prend le parti du comte de Blois Thibaut IV. Mais, à la suite de la paix entre Thibaut IV et le roi de France, Lancelin perd le « conduit » de Beauvais : « Lancelinum, comes de Domno martini, querelam Belvacensis conductus sine spe recuperandi amiserit »52. Seigneur de Bulles par son mariage avec Adélaïde, il n’a que la tutelle sur le comté de Dammartin à la place de son neveu, le fils de Pierre. Le roi de France aurait-il agi en conséquence de cette nouvelle trahison et serait-il intervenu de nouveau dans les destinées du comté ? Cette intervention royale est hypothétique, mais expliquerait le fait que nous ne trouvons aucune trace d’un comte de Dammartin entre 1111 et 1138.

Les destinées du comté sont assez difficiles à connaître après cette nouvelle trahison d’un comte de Dammartin. La solution la plus envisageable paraît être celle de Jean-Noël Mathieu publiée dans un article récent53. Après l’essai de mise au pas des Dammartin par l’intermédiaire de Lancelin, le roi décide de retirer la tutelle du fils de Pierre et la garde du château de Dammartin à Lancelin, puis de marier le fils de Pierre, peut-être Hugues cité dans une charte du prieuré de Saint-Leu54 à Clémence de Bar. Elle est la fille de Renaud Ier de Bar-le-Duc et de Gisèle de Vaudémont. Dans ce mariage, le roi voit plusieurs avantages. Il lui permet d’une part, de contrôler le comté de Dammartin, Clémence est alors très jeune et son mari ne doit pas être beaucoup plus âgé et, d’autre part, de renforcer ses liens avec le lignage de Bar. Cette stratégie est certainement influencée par l’abbé de Saint-Denis Suger, qui connaît de nombreux problèmes sur les terres de l’abbaye sous l’influence des Dammartin et qui veut récupérer des terres en Lorraine. Le fils de Pierre meurt, semble-t-il, assez rapidement et Clémence est remariée avec un membre de la famille des Clermont, le comte Renaud, un proche du roi.

Dès ce moment, la famille de Dammartin est séparée en trois branches : d’un côté, la branche des Bulles, c’est à dire les enfants d’Adélaïde de Dammartin et de Lancelin de Beauvais, la branche des Clermont, avec le mariage entre Clémence de Bar et Renaud de Clermont et une troisième branche que nous nommerons les Dammartin d’Angleterre que nous étudierons plus loin. Tous ces personnages apparaissent de façon sporadique pendant quarante ans dans la documentation de Saint-Leu, avant de faire une réapparition plus importante dans la deuxième moitié du XIIe siècle que nous étudierons plus loin.

b- Conséquences de cette disparition pour le prieuré de Saint-Leu

La disparition des Dammartin ne remet pas en cause la survie du prieuré. Les dispositions prises par Hugues et l’accompagnement de la famille de Dammartin pendant près de trente ans a permis au prieuré de se faire connaître et d’assurer les donations. La genèse du prieuré est terminée au moment où les Dammartin disparaissent de la scène politique. Par ailleurs, l’influence des Dammartin est toujours plus ou moins présente. La mémoire des fondateurs entretenue par les moines permet d’assurer le prestige de l’établissement. D’après la documentation, au moins trois membres de la famille des Dammartin, Hugues, sa femme et Pierre, sont enterrés à Saint-Leu et les moines ont participé à l’effort familial pour faire de Saint-Leu un lieu de sépulture familiale. Il faut ajouter que la branche des Clermont associée au prieuré depuis son existence55, ne cessera pendant toute la première moitié du XIIe siècle d’intervenir par des donations ou des confirmations. Elle reste néanmoins en retrait par rapport à son action pendant la deuxième moitié du siècle.

Ainsi, par la disparition des Dammartin, les moines accèdent à une certaine indépendance. Ils ne sont plus l’instrument d’une famille dans le jeu seigneurial. Ils peuvent totalement se concentrer sur la formation et la consolidation de leur patrimoine. Ainsi, à aucun moment les moines ne font appel à des Dammartin, même à Clémence en tant que comtesse de Dammartin, pour confirmer un acte ou une donation d’un vassal ou d’un proche des Dammartin. Ces derniers ne sont pas présents en tant que témoins lors d’une donation d’un de leurs proches. Ainsi, Gérard, fils d’Igier de Bulles, est un proche des Dammartin, puisque son père était présent à la restitution des églises de Bulles et à la fondation de Saint-Leu. Pourtant, les deux actes56 qui rapportent ses donations à Saint-Leu ne font aucune mention des Dammartin, même si la première concerne un château à côté de Dammartin et la seconde est faite dans cette ville. Nous l’avons vu, à l’époque de Pierre de Dammartin, ce dernier confirme plusieurs actes dont les terres concernent des possessions des Dammartin. La disparition des Dammartin donne aussi à leurs anciens vassaux une plus grande souplesse dans les donations qu’ils font au prieuré de Saint-Leu. Le contrôle du seigneur ne s’exerce plus et la donation perd dans ce contexte une partie de sa signification politique au profit d’un sentiment religieux. Dans la première donation de Gérard, le frère Brice joue un rôle primordial, puisqu’il a un rôle de prosélyte pour son établissement. Il encourage cette donation. Ainsi, l’attitude des moines trahit cette indépendance et l’absence de contrôle exercé par une tutelle supérieure. Pourtant, cette relative indépendance ne doit pas faire oublier les difficultés auxquelles les moines doivent faire face pour s’imposer dans le terroir et légitimer l’appartenance de leurs biens en droit propre.

Notes de bas de page

1 Pierre Durvin,"Les fouilles de l'abbatiale de Saint Leu", Bulletin de la société archéologique, historique et géographique de Creil, janv. 1956, pp1-7 ; Philippe Racinet, "Observations sur l'implantation et l'agencement du prieuré clunisien de Saint Leu d'Esserent", Revue archéologique de Picardie, 1-2, 1989, p.131-141 ; Jean-Louis Bernard, « Le prieuré de Saint-Leu d’Esserent (Oise), une réinterprétation du site après les fouilles de 1998. », Revue archéologique de Picardie, n°3-4, 2000, p 155-174.

2 Jean Hubert, « Observations sur l’intérêt des substructions retrouvées dans la nef de Saint-Leu d’Esserent », Bulletin de la société des Antiquaires de France, 1959, p. 72-73.

3 Philippe Racinet, art. cit., p. 135

4 Soares-Christen, Eliana Magnani, Monastères et aristocratie en Provence, milieu Xe – début XIIe siècle, p. 415.

5 Müller, n°33.

6 Müller, n°11.

7 Rosnay, Marne, cant. Ville-en-Tardenois.

8 BNF : Coll. Baluze, t. 46, p. 3-113, n°69

9 Brice est le seul moine à être nommé pendant tout le XIIe siècle, il réapparaît dans une autre charte. Il semble être un moine important dans le prieuré et proche des Dammartin, puisqu’il permettra la donation d’un proche des Dammartin, le fils d’Igier de Bulles.

10 Nous avons changé le fratrem en matrem, pensant qu’il sagit d’une erreur de transcription de Baluze, puisque Pierre n’avait pas de frère mais que des sœurs.

11 Sevran, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

12 Tremblay-en-France, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

13 Guyojeannin Olivier dir., Le cartulaire blanc de Saint-Denis, n°2, http://www.enc.sorbonne.fr

14 Aulnay-sous-bois, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

15 Le Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

16 Bondy, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

17 Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis, ch.-l. cant.

18 Joseph Depoin, Cartulaire de Saint-Martin de Pontoise, n°11, 13, 14

19 Prou, n°107.

20 Bernard A., Bruel A., Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, n°3487, la ville de Brandalt Vileir correspond à la ville de Brandonvillers.

21 BNF : coll. Moreau, vol. 28, fol. 192.

22 Creil, Oise, ch.-l. cant.

23 Boran, Oise, cant. Neuilly-en-Thelle

24 Nous avons déjà cité cette clause de renonciation dans la partie consacrée à l’analyse de la charte.

25 Müller, n°3 bis.

26 Müller, n°29.

27 Müller, n°1 et n°2.

28 Müller n°4.

29 Müller, n°8.

30 Müller, n°11.

31 Müller, n°12, cf note infra.

32 Müller, n°3 ; Müller n°7.

33 Müller, n°15.

34 Müller, n°22.

35 Breuil, com. Saint-Leu-d’Esserent, Oise, cant. Montataire ; une charte de 1385 précise : « L’église du prieuré possède à Saint-Leu, un fief nommé le fief de Breuil comprenant un hôtel en ruines et un jardin » et les vieux plans cadastraux de Saint-Leu-d’Esserent indiquent une rue du Breuil.

36 Müller, n°16.

37 Müller, n°22.

38 Idem.

39 Müller, n°1.

40 Luchaire Achille, Etudes sur les actes de Louis VII, n°688.

41 Müller, n°4.

42 Müller, n°8.

43 Laurent J., Cartulaires de Molesme, tome I, n°148.

44 Abbé Lalore Ch., Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes, tome VII, n° 26.

45 Müller, n°11.

46 Lagny-le-Sec, Oise, cant. Nanteuil-le-Haudouin.

47 Episcopus et comes, p. 102-103.

48 Ibid.

49 Villers-Saint-Sépulcre, Oise, cant. Noailles.

50 Saint-Germer-de-Fly, Oise, cant. Le-Coudray-Saint-Germer.

51 Suger, Vie de Louis VI le gros, p. 172.

52 Suger, Vie de Louis VI le gros, p. 172.

53 Mathieu, Jean-Noël, « Recherches sur les premiers comtes de Dammartin », Mémoires publiés par la fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Île-de-France, tome 47, 1996, p. 7-59

54 Müller, n°12, les interprétations sont nombreuses sur cet Hugues, pour certains comme Catherine Théry il s’agit d’Hugues de Dammartin, le fondateur de Saint-Leu, pour d’autres comme Müller ou Olivier Guyotjeannin, il s’agit du fils de Pierre qui n’est pas nommé dans la charte n°11 s’appuyant en cela sur les noms identiques des témoins entre les deux chartes. Nous pensons, effectivement, que cette solution est la plus probable, Hugues étant mort au mieux sept années plus tôt.

55 Müller, n°3 ter. Le chanoine Müller date, avec justesse, d’au plus tard 1101 certains privilèges et concessions rappelés dans une notice datée de 1150 et faites au prieuré par Ermentrude, fille d’Hugues de Clermont, sœur de Renaud et veuve d’Hugues d’Avranches, comte de Chester.

56 Müller, n° 22 ; Müller, n° 30.

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Commentaires

Bonjour, Le Rosnay (note 7) où est mort le comte Pierre de Dammartin se situe dans l'Aube et non dans la Marne (auj. Rosnay-l'Hôpital, arr. Bar-sur-Aube, cant. Soulaines-Dhuys). La mort de Pierre de Dammartin au château de Rosnay (il n'y a d'ailleurs jamais eu de château dans la petite localité de Rosnay dans la Marne) est connue par une charte de l'abbaye de Cluny, qui possédait un prieuré à Margerie (Marne, arr. Vitry-le-François, cant. Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson, com. Margerie-Hancourt), près de Rosnay. Les comtes de Dammartin étaient possessionnés dans cette région, étant également comtes d'Arcis-Ramerupt, sur la Seine. Hugues, comte de Dammartin a ainsi donné à l’abbaye de Cluny,vers 1075, la moitié de Brandonvillers, près de Rosnay. Rosnay était le siège d'un petit comté, qui échut aux comtes de Dammartin, puis aux comtes de Troyes (comtes de Champagne).