Les petites cases

A- Intégrer les éléments d’une monographie sur une page-écran

Trois parties essentielles composent une monographie historique :

  • le texte de la monographie, c’est à dire l’argumentation de l’auteur avec les citations à l’appui ;

  • les notes de bas de page, qui permettent de faire référence aux études antérieures et aux sources utilisées dans l’argumentation ;

  • les documents annexes servant de preuves ou d’illustrations à l’argumentation qui sont de natures différentes : extraits de sources, photographies, cartes, graphiques, tableaux…

Outre la barre de navigation, essentielle comme nous l’avons vu précédemment, ces trois composantes doivent être intégrées sur une même page-écran de façon claire pour permettre une lecture fluide et simple sur l’écran et disposer de tous les éléments pour permettre une meilleure compréhension du sens du texte.

1- Le texte

Le texte est le cœur de la monographie. Il contient les problématiques, les idées et l’argumentation de l’auteur. Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’écriture d’une monographie est avant tout conçue pour l’historien comme un moment de formalisation des idées. C’est pourquoi le texte revêt autant d’importance. Il doit être mis en valeur correctement pour que le lecteur puisse le lire aisément. La lecture sur écran n’est pas encore aisée et constitue le principal défaut actuel de l’édition électronique. Les usagers se plaignent souvent de la fatigue visuelle engendrée par l’écran. Il est donc important de faciliter le processus de lecture, en pensant à ces difficultés.

Le texte ne doit pas être affiché sur toute la largeur de l’écran, car le lecteur se fatiguerait trop vite, le nombre de signes étant trop important. Pour une lecture fluide, il est donc essentiel qu’une ligne de texte comporte entre 90 et 100 caractères espace inclus. De plus, dans la partie de la page réservée au texte, le lecteur ne doit avoir à sa disposition que le texte de la monographie. Ainsi, il faut éviter de placer une barre de navigation verticale à gauche de l’écran, car l’œil, au moment du changement de ligne, serait attiré par cette barre de navigation ce qui engendrerait une rupture dans la lecture. Ainsi, nous conseillons de placer le texte au milieu de la page encadré par deux bandes verticales blanches plus ou moins grandes en fonction de la résolution de l’écran. Il peut paraître déstabilisant d’avoir beaucoup de blanc sur la page, l’habitude étant d’occuper le plus de place possible sur le support papier pour diminuer les coûts de fabrication. Mais, passée cette première impression de perte de repères, le lecteur se rendra vite compte du confort de lecture induit par ce placement. Quant à la barre de navigation essentielle pour le passage entre les différentes parties de la monographie, elle doit être horizontale et placée en haut de la page. De cette façon, le lecteur qui veut lire le texte de façon linéaire pourra le faire avec un confort visuel optimal.

Le passage au support électronique ne dispense pas d’une réflexion sur la typographie du texte, bien au contraire1. Ainsi, il semble que les polices de caractère utilisées habituellement pour le papier, dérivées de Times, ne sont pas les plus adéquates pour l’écran. La police « Arial » dans une taille standard semble alors la plus adaptée. Sa simplicité et les formes de ses lettres permettent une visualisation aisée sur un écran. Il est intéressant de noter que cette police n’est jamais utilisée pour des livres sur le support papier. Il est aussi conseillé de prévoir un écart entre les lignes équivalent au support papier, une ligne et demi étant l’écart standard.

Enfin, le support électronique impose un minimum de graphisme. Il ne faut pas oublier que, dans l’environnement du Web, ce n’est pas la textualité qui est essentielle au premier abord mais l’image. Cependant le graphisme doit se mettre au service de l’information et non l’inverse. Il n’est donc pas utile d’alourdir graphiquement la page pour attirer des internautes, ce qui risquerait de détourner l’attention du lecteur. Pourtant, le graphisme peut aider à la mise en valeur du texte. Ainsi, dans notre exemple, la page-écran est entourée d’un cadre noir. Avant tout conçu pour des raisons esthétiques, il se révèle que ce cadre aide le lecteur dans le processus de lecture en reproduisant l’environnement visuel d’une page d’un livre. De la même manière, le fond d’écran doit être clair et la police de caractère foncée ce qui est le plus reposant pour les yeux.

Au final, le lecteur a face à lui une page-écran qui ressemble à une page de livre contenant le même nombre de signes par ligne, le même écart entre les lignes et même des cadres matérialisant la page. Il n’est pas étonnant de retrouver ce schéma, car l’histoire du livre [Martin, 2000] montre que le livre tel qu’il est conçu aujourd’hui est le résultat de nombreux tâtonnements qui avaient tous pour but le confort optimum de lecture et la recherche permanente d’une lecture fluide et aisée. Il n’est pas utile de réinventer ce que nos prédécesseurs ont déjà fait, il suffit de l’adapter.

2- La note de bas de page

La note de bas de page est très utilisée par les historiens qui ont même tendance à en abuser. Elle est utilisée pour donner toutes les informations qui ne rentreraient pas directement dans l’argumentation et en gêneraient ainsi la lecture. Elle a donc diverses utilités :

  • citer une référence à une étude antérieure, articles ou monographies ;

  • donner la référence de la source utilisée dans l’argumentation ;

  • donner des précisions sur un sujet traité dans l’argumentation mais qui n’est pas en rapport direct avec celle-ci ;

  • faire une remarque ou porter un jugement de valeur personnel sur une étude antérieure.

Il existe plusieurs solutions pour l’affichage de la note de bas de page, sans qu’aucune entièrement satisfaisante ne se dégage. Nous devons tenir compte de l’ergonomie, du confort de lecture et du phénomène de décontextualisation. Actuellement, tous les sites proposant des articles en ligne mettent les notes de bas de page à la fin de l’article. Elles sont consultables en cliquant sur l’appel de notes grâce à un système de liens internes, mais ce dispositif présente le désavantage d’empêcher l’affichage simultané d’une note et du texte auquel elle se rattache. Survient alors un phénomène de décontextualisation. Quatre solutions peuvent être préconisées, mais elles présentent toutes des avantages et des inconvénients :

Solutions

Avantages

Inconvénients

Affichage du contenu de la note sous forme de bulles en dessous de l’appel de notes au passage de la souris

- ne prend pas une place spécifique sur la page-écran

- le texte et la note sont visibles ensemble

- la bulle peut cacher le texte.

- impossibilité de consulter deux bulles en même temps

l’affichage de la note sous forme d’un pop-up, c’est à dire une nouvelle fenêtre de navigateur apparaissant après un clic sur l’appel de note

- le lecteur peut placer la fenêtre à l’endroit où il le souhaite, et donc d’avoir le texte et la note visibles ensemble, sans pour autant cacher le texte qui l’intéresse

- Possibilité d’afficher plusieurs bulles en même temps

- Il doit penser à refermer chaque fenêtre, au risque de crouler rapidement sous le nombre de fenêtres ouvertes

L’affichage de la note de bas de page dans la marge qui apparaîtrait au passage de la souris ou au clic sur la note

- la note ne cache pas le texte

- le texte et la note sont visibles ensemble

- cette solution n’est possible que dans le cas où aucun document annexe n’est affiché

- impossibilité de consulter deux notes en même temps

L’affichage des notes en bas de l’écran dans un cadre (Frames)

- le texte et la note sont visibles ensemble

- la note ne cache pas le texte

- la page-écran est amputée d’une partie de l’espace par ce cadre

Cependant, il nous a fallu choisir une solution pour notre expérience. Après avoir consulté quelques chercheurs et leur avoir proposé les différentes solutions, il semble que la plus pratique soit d’afficher la note sous forme de bulle au passage de la souris. En effet, il ne leur semble pas utile d’afficher deux notes de bas de page en même temps et cette solution rappelle l’interface utilisée par leur logiciel de traitement de texte, les laissant dans une position de lecture en écran connu.

3- Le document annexe

Le document annexe est le deuxième moyen avec la note de bas de page à la disposition de l’historien pour servir d’appui à son argumentation. Ces documents sont de différentes natures : sources textuelles ou iconographiques, photographies, cartes, tableaux généalogiques, états de base de données, tableaux statistiques…Le passage à l’électronique peut permettre aux chercheurs de publier plus de documents annexes et ainsi renforcer son argumentation puisque, à l’inverse d’une publication papier, le coût d’une monographie électronique n’est pas tenu par le nombre de pages-écrans ou de documents publiés2. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les documents annexes ont été parfois livrés depuis quelques années sur microfilms puis sur cédéroms rattachés au livre.

Ainsi, dans le cadre des monographies hypertextuelles, les sources peuvent être remises au cœur de l’argumentation. Comme le rappelle Roger Chartier, « chacune de ces manières [la citation, la note de bas de page, le document annexe ] de prouver la validité d'une analyse se trouve profondément modifiée dès lors que l'auteur peut développer son argumentation selon une logique qui n'est plus nécessairement linéaire et déductive mais ouverte, éclatée et relationnelle et que le lecteur peut consulter lui-même les documents (archives, images, paroles, musique) qui sont les objets ou les instruments de la recherche. En ce sens, la révolution des modalités de production et de transmission des textes est aussi une mutation épistémologique fondamentale » [Chartier, 2001]. Pour que cela soit possible, les documents annexes doivent être consultables de deux façons : séparément et en regard du texte. Le lecteur peut ainsi avoir accès simultanément au texte de la monographie et au texte de la source à laquelle l’auteur fait référence dans son argumentation.

La page-écran doit donc pouvoir accueillir le texte de l’argumentation, les notes de bas de page et les documents annexes. Pour autant, il ne faut pas gêner la lecture de la monographie, l’affichage des documents annexes doit donc être rendu optionnel. Ainsi, un lecteur qui veut juste lire l’argumentation n’a pas besoin des sources qui alourdiraient sa page-écran. En revanche, le chercheur qui veut vérifier les arguments de l’auteur peut faire apparaître les sources. Ce système présente l’avantage de ne pas encombrer la page-écran, tout en respectant les caractéristiques de la monographie et en permettant la validation scientifique en faisant appel le cas échéant à la source sur laquelle se fonde l’argumentation. Ainsi, dans notre exemple, un menu déroulant propose tous les documents annexes qui se rapportent au texte affiché sur la page écran. Par défaut, la page s’affiche sans les documents annexes selon la présentation décrite précédemment. S’il veut voir un document annexe, le lecteur choisit celui qui l’intéresse parmi ceux proposés. La page-écran est alors séparée en deux : à gauche le texte de la monographie et à droite le document annexe choisi. Si le lecteur veut revenir à la présentation par défaut, il lui suffit de cliquer sur le lien « Retour en mode normal ». Ainsi, les documents annexes sont visibles en même temps que le texte de la monographie grâce à un système simple et ergonomique. Le support électronique présente alors un avantage indéniable sur le papier qui ne permet pas la visualisation du document annexe en même temps que le texte de la monographie sur la même page.

Notes de bas de page

1 L’exemple de l’étude mené par l’ISDN sur les ebooks est de ce point de vue significatif, puisqu’un typographe professionnel a participé à l’expérience [ISDN, 2002].

2 Il n’est pas ici question des coûts des frais induits par les éventuelles reproductions photographiques, ni des problèmes de droit d’auteur posés par la publication de ces documents.

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